Protéger le lac Victoria pour un avenir vert, résilient et inclusif

Posté le : 14 mars 2022

Bassin du lac Victoria. Source de l’image : Geo Watershed Generator, Banque mondiale

La dégradation ininterrompue d’une seule masse d’eau peut avoir des conséquences désastreuses pour les millions de personnes vivant dans une région déjà éprouvée par le changement climatique Cliquez pour tweeter, la fragilité, la croissance démographique et la pauvreté. Cette masse d’eau, pour autant qu’elle soit protégée, peut constituer un puissant moteur économique, qui permettrait de créer des emplois verts, de renforcer les économies de subsistance et de marché et d’assurer l’avenir de grands centres de population situés à plusieurs centaines de kilomètres. Telles sont les promesses et les possibilités offertes par le plus important des Grands Lacs africains, le lac Victoria. Le lac Victoria est partagé par trois pays riverains : le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi se trouvant dans la partie supérieure du bassin versant qui se déverse dans le lac.

Principaux facteurs de détérioration de la qualité de l’eau

En 2020, avec le soutien du programme de Coopération pour les eaux internationales en Afrique (CIWA), une équipe multisectorielle conduite par le pôle mondial d’expertise en eau de la Banque mondiale a entrepris d’identifier les principaux facteurs expliquant la dégradation continue de ce précieux lac transfrontalier. L’équipe a identifié trois principaux facteurs anthropiques :

  • une gestion des terres et des pratiques agricoles non durables, en particulier la remise en état sans discernement des zones humides et des forêts, qui ameublissent le sol, amenuisent le pouvoir de rétention offert par les zones humides, polluent les eaux de ruissellement avec des produits agrochimiques et des déchets d’élevage, et libèrent de l’azote et du phosphore dans l’atmosphère ;
  • le rejet des eaux usées non traitées des zones urbaines et des habitats informels dans le lac et les rivières en amont, et ;
  • le rejet d’effluents non traités et d’eaux usées par de nombreuses industries dans le bassin.

Ces facteurs favorisent la prolifération d’espèces végétales envahissantes telles que la jacinthe d’eau, qui entravent la navigation et la production d’électricité ; l’augmentation de la turbidité et des zones anoxiques (manque d’oxygène), qui appauvrissent les stocks de poissons et la biodiversité ; l’augmentation du coût du traitement de l’eau à usage domestique ; et l’exposition des nourrissons vivant dans le bassin à des agents pathogènes risquant de retarder leur développement de manière permanente.

Des éléphants s’avancent dans le delta du Nil Victoria, en Ouganda. Crédits photo : Ondrej Prosicky/Shutterstock

Ces conséquences seront exacerbées par le changement climatique

Ces conséquences sont exacerbées quand elles se conjuguent à d’autres pressions comme les migrations internes causées par le changement climatique. La Banque mondiale estime que des dizaines de millions d’habitants du bassin seront déplacées en raison des effets du dérèglement climatique d’ici 2050. Nombre de ces migrants finiront par dépendre du lac. La rivalité entre des populations plus nombreuses pour des ressources qui s’amenuisent fragilisera de plus en plus les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire et la faculté de chacun à s’adapter.

« Les communautés les plus vulnérables — les femmes, les jeunes et les personnes handicapées — font face à des difficultés spécifiques. L’eau fait partie des ressources importantes dont elles dépendent. Il est essentiel de considérer l’eau comme un catalyseur pour l’emploi. »

Dr Callist Tindimugaya, Commissaire à la planification et à la réglementation des ressources en eau, ministère de l’Eau et de l’Environnement, Ouganda.

Conclusions de l’étude multisectorielle sur la détérioration continue du lac

Pourquoi personne n’a-t-il donc encore tiré la sonnette d’alarme ? La restauration du lac est en fait engagée depuis plus de deux décennies. Les efforts déployés ont toutefois été relativement limités et éparpillés dans des activités hétéroclites ciblant différents facteurs de pollution dans le bassin. Ils ne peuvent, à eux seuls, résoudre qu’une infime partie du problème.

Pour produire des résultats à grande échelle, il convient de classer les principaux facteurs de pollution par ordre de priorité et de les combattre séparément dans le cadre d’approches spécifiques Cliquez pour tweeter, à long terme et globales. Ces dernières doivent par ailleurs être coordonnées au niveau international et répondre aux besoins en matière d’information, de renforcement institutionnel et d’investissement.

Faire de la qualité de l’eau un objectif prioritaire

Le projet de Coopération pour la résilience climatique dans le bassin du Nil (NCCR), financé par CIWA, constitue une première étape importante pour pallier les lacunes au niveau des informations et des institutions. Il réunit les pays du bassin du Nil dans le cadre d’un programme de 4 millions de dollars visant à améliorer la disponibilité et l’utilisation des données sur la qualité de l’eau dans la région. Le programme, qui comprend trois sous-composantes, poursuit les objectifs suivants :

  • améliorer la disponibilité des données sur la qualité de l’eau grâce à la fourniture d’équipements et à la mise en place d’une base de données consacrée à la qualité de l’eau ;
  • renforcer les capacités permettant de réaliser des analyses décisionnelles multicritères pour la planification et la hiérarchisation des investissements, et ;
  • assurer la cohérence des politiques et des activités des institutions qui régissent la gestion de la qualité de l’eau dans le bassin du lac Victoria, y compris dans le cadre de la collecte et de l’échange des données, de l’établissement de normes de débit et de la planification d’investissements concertés dans la qualité de l’eau.

La troisième sous-composante est pilotée par la Commission du bassin du lac Victoria — l’institution spécialisée de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) chargée de coordonner la mise en valeur et la gestion durables du bassin du lac Victoria dans les cinq États partenaires de la CAE.

Il convient de préciser ici que le bassin du lac Victoria est un sous-bassin de la région des lacs équatoriaux du bassin du Nil, et également la source du Nil blanc.

Prochaines étapes — faire le point sur l’assainissement inclusif à l’échelle du lac

Le pôle mondial d’expertise en eau de la Banque mondiale, qui s’appuie sur les leçons tirées de l’examen multisectoriel — en particulier la nécessité de faire preuve de sélectivité et de mettre l’accent sur les populations et les moyens de subsistance pour assurer la pérennité des résultats — va maintenant collaborer avec les pays du bassin du lac Victoria sur l’un des principaux facteurs de détérioration de ce dernier, à savoir le rejet de déchets humains non traités.

Soutenu par le fonds fiduciaire coréen pour la croissance verte (KGGTF), et s’appuyant sur les approches visant promouvoir un développement vert, résilient et inclusif et un assainissement inclusif à l’échelle de la ville, ce projet mettra l’accent sur la mise au point d’une stratégie régionale visant à assurer des services d’assainissement inclusifs dans les villes et villages qui rejettent des déchets humains non traités dans le lac. Le financement octroyé par KGGTF pour la neuvième année qui vise à soutenir l’assainissement inclusif à l’échelle du lac pour améliorer la qualité de l’eau dans le bassin du lac Victoria (Supporting Lake Wide Inclusive Sanitation for Improving Water Quality in the Lake Victoria Basin), mettra l’accent sur la collaboration avec le secteur privé afin de créer des emplois verts peu qualifiés tout au long de la chaîne de services d’assainissement, en privilégiant la récupération et la réutilisation des ressources, et en intégrant les technologies vertes et grises qui contribueront à une reprise post-COVID plus verte.

La chaîne des services d’assainissement : confinement, vidange, transport, traitement et élimination/réutilisation. Source de l’image : Wikimedia Commons/Domaine public

Il s’agit de la première étape d’un des nombreux efforts ciblés nécessaires à la restauration du lac. Des milliards de dollars et des années d’efforts concertés seront nécessaires. Mais si la volonté de travailler ensemble constatée lors des récentes discussions avec les partenaires régionaux est un indicateur, le lac Victoria retrouvera sa splendeur d’antan et deviendra une zone économique régionale clé en Afrique de l’Est dans les années à venir.

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